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Génisses et pâturage : l’immunité s’acquiert par expérience

La mise à l’herbe des génisses se fait dans une parcelle la plus saine possible. Le niveau de pression parasitaire dans les prairies dépend de la météo et du chargement.C.Hue

Les animaux ont une part d’immunité acquise qui se développe au contact des parasites. Seuls les moins résistants seront traités.

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Lorsque l’on évoque le parasitisme de pâturage, il s’agit des petites et grandes douves, des strongles digestifs et pulmonaires et du paramphistome. Ce sont des parasites spécifiques des ruminants. « Ils existent depuis toujours et se sont co-construits avec leurs hôtes. On devrait donc plutôt parler de symbiotes, explique Hubert Hiron. À ce titre, ils ont un rôle dans l’écosystème. Par leur intermédiaire, la nature se défend contre une pression de pâturage trop forte, exercée par une seule espèce dans un environnement restreint. Le symbiote devient alors pathogène par le nombre. En réduisant la pression de pâturage, l’animal pourra se confronter au parasite à faible dose et acquérir un savoir-faire antiparasitaire par expérience. »

Un lien étroit entre cellules de défense et oligoéléments

Mais les défenses antiparasitaires reposent d’abord à 80 % sur l’immunité naturelle ou innée. Elle est assurée par les cellules de défense de l’animal (polynucléaires neutrophiles et macrophages éosinophiles) dont l’efficacité dépend de la disponibilité en oligoéléments­ issus de l’alimentation : zinc, cuivre, manganèse et sélénium. « Chez les herbivores à niveau de production modeste, l’herbe suffit à couvrir les besoins en minéraux et vitamines. Mais ses apports en oligoéléments sont insuffisants pour garantir une bonne performance du système immunitaire, explique Gilles Grosmond. Les génisses comme les adultes devront donc en avoir à disposition tout au long de la saison de pâturage. » Le vétérinaire privilégie les apports sous forme de poudre ou de seau à lécher. « Une analyse de poils permettra de mieux connaître le profil métabolique des animaux pour ajuster les apports. » L’immunité naturelle repose aussi sur la production d’anticorps par la muqueuse intestinale. Pour cela, il faut éviter l’acidose provoquée par l’herbe jeune. C’est pourquoi la sortie des génisses en première année est plus tardive, avec une complémentation : « L’herbe pâturée ne suffit pas à couvrir les besoins de croissance avant 14 mois. Avant cet âge, la complémentation est essentielle. » En effet, les déséquilibres alimentaires, physico-chimiques, métaboliques, mais aussi le stress ont un impact sur la capacité des génisses à faire face aux agressions. « Par exemple, prenons la coccidiose dite de sevrage. C’est bien le stress du sevrage qui entraîne l’expression pathologique de la maladie, sur des animaux qui vivaient jusque-là sans problème avec le parasite », précise Hubert Hiron.

L’immunité acquise représente 20 % des défenses. Elle correspond à la production d’anticorps via des mécanismes naturels. Sur le même principe que la vaccination, la construction de ce savoir-faire antiparasitaire se fait par la confrontation d’un animal sans expérience immunitaire à un environnement faiblement contaminé. L’objectif est donc une première mise à l’herbe dans une prairie où la pression parasitaire sous sa forme infestante est la moins forte possible. Celle-ci dépend du niveau de chargement de la parcelle et de la météo.

« Plus le climat est humide et le chargement élevé (supérieur à 1,5 UGB/ha), plus le potentiel infectieux de la prairie est entretenu », prévient Gilles Grosmond. Un chargement élevé continu est favorable à une infestation sans interruption. En revanche, un chargement élevé instantané, c’est-à-dire une forte concentration animale sur une petite surface pendant deux jours maximum, suivi d’un temps de repos dans le cadre d’une conduite en pâturage tournant participent à l’assainissement du paddock. De même, le pâturage mixte, c’est-à-dire la succession d’espèces différentes, constitue un cul-de-sac infectieux propice à assainir les prairies. D’autres moyens d’assainir les prairies consistent à alterner fauche et pâture, à sortir du paddock avec une hauteur d’herbe de 5 cm, afin d’exposer les larves au soleil, à prévoir des rotations avec de la prairie temporaire. Attention au hersage de printemps, il favorise l’évolution des parasites qui ont besoin d’oxygène pour se développer.

Dans la pratique, la mise à l’herbe des petites génisses sera plus tardive (au mois de juin), idéalement dans une prairie fauchée l’année précédente ou après une fauche en première exploitation. Elle peut aussi se faire derrière un premier passage d’adultes, qui a pour effet d’assainir la parcelle. « En première année de pâturage, si les conditions sont trop humides, on n’hésitera pas à rentrer les génisses pendant trois semaines pour arrêter les contaminations. »

Des traitements au cas par cas en fonction des signes cliniques

Tous les individus n’ont pas la même capacité à gérer les agressions. Prenons l’exemple des strongles : « Dans une prairie peu contaminée, il faut huit à dix semaines pour que l’animal bâtisse son expérience vis-à-vis du parasite, explique Hubert Hiron. Dans un lot de génisses, les animaux submergés par les parasites vont exprimer des signes de souffrance : poils piqués, gros ventre, retard de croissance. Ces animaux sont des sentinelles : ils indiquent qu’il est temps de changer les conditions du lot, c’est-à-dire de le rentrer ou de le déplacer dans une parcelle saine. » À cette occasion, les sentinelles seront traitées. Puis, en cours de saison de pâturage, si d’autres génisses expriment des signes cliniques, elles seront traitées de même.

Selon le parasite, l’expression de signes cliniques est plus ou moins rapide, mais dans tous les cas, les animaux qui vont bien ne seront pas traités. Car la résistance a une part d’hérédité. « Il est démontré que l’héritabilité de la résistance aux parasites est supérieure à celle des caractères de la mamelle. Si je vermifuge tous mes animaux systématiquement, la sélection intratroupeau devient impossible, prévient Gilles Grosmond. Pour autant, il ne faut pas rejeter le traitement. Mais il doit être réservé aux animaux qui réclament d’être secourus. On ne traite pas un animal en bon état ! »

Le choix du vermifuge dépendra donc de deux critères : l’examen de l’animal et les résultats d’analyses coprologiques ou sanguines qui permettent de connaître le parasitisme de son troupeau. Ils sont à renouveler tous les ans sur les petites génisses (mais aussi sur les adultes les plus maigres, à cause du paramphistome). « Je recommande d’éviter les vermifuges à effet retard (rémanents) car l’animal doit être au contact du parasite pour développer son immunité. »

Quant aux plantes vermifuges, elles font partie d’un ensemble de précautions mais seules, elles ne permettent pas une gestion durable de la santé.

Jérôme Pezon

© J. Pezon - Gilles Grosmond se consacre à la formation des éleveurs autour des pratiques alternatives de santé. Il a publié l’ouvrage Santé animale et solutions alternatives, et créé la société ­Hippolab.

© j.pezon - Hubert Hiron est membre du groupement vétérinaire Zone Verte, spécialisé dans l’approche globale et les solutions alternatives en matière de santé animale, à travers la formation et les visites d’élevage.j.pezon

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